Au premier temps de la valse... c'est le temps de l'ECOUTE
Vous n'en croyez peut être pas vos oreilles à l'heure d'entendre ce message pour la première fois, mais l'innovation commence, pour une organisation, par le recensement des besoins de ses clients existants et de ses prospects ciblés. Nous reviendrons ultérieurement sur les mille et une façons de collecter ces trésors de données sans lesquels nulle innovation n'est possible.
Au risque d'énoncer un énième truisme, une offre commerciale (produit ou service) n'a de sens que si elle répond à une demande. Il s'agit d'une tautologie énoncée au 19ème siècle et sur laquelle repose l'économie de marché, c'est à dire la quasi totalité de l'économie mondiale de notre 21ème siècle.
Partant de ce postulat, si une offre ne peut se concevoir sans une demande, il convient de connaître, avec un niveau de précision le plus élevé possible, les besoins exprimés ou non de ses clients existants et de ses prospects ciblés.
Mais me direz-vous, qu'est-ce qu'un besoin ?
Le besoin recouvre l'ensemble de tout ce qui apparaît « être nécessaire » à un être, que cette nécessité soit consciente ou non. Pour éviter toute confusion, retenons aussi que l'homme « subit » son besoin, tandis qu'il « exprime » son désir, son projet, sa vocation...
De nombreuses classifications des besoins ont été proposées, la plus connue d'entre elles étant cette du psychologue Américain Abraham Maslow (1).
1. Besoins physiologiques
(faim, soif, sexualité, respiration, sommeil, élimination)
2. Besoins de sécurité
(environnement stable et prévisible, sans anxiété ni crise)
3. Besoins d'appartenance et d'amour
(affection des autres)
4. Besoins d'estime
(confiance et respect de soi, reconnaissance et appréciation des autres)
5. Besoin d'accomplissement de soi
Les besoins, tous les besoins...?
La vocation d'une organisation n'étant à priori pas de répondre à TOUS les besoins de ses clients, il convient, en amont à la mise en place d'une Gestion de Programme Innovation, de limiter le champs de l'offre. Cela permettra de fixer le cadre, le terrain de jeu ou le périmètre, selon la terminologie qui sierra à chacun.
Cette étape est d'expérience la plus malaisée pour les organisations, et ce pour des raisons inattendues et pourtant assez compréhensibles :
- La plupart des organisations n'ont pas formalisé leur projet d'entreprise ... or aligner son offre commerciale avec sa stratégie sans connaître la vocation de son entreprise est irréaliste
- Les organisations ont une connaissance trop restrictive de leurs clients et elles collectent généralement trop peu d'informations sur leurs clients pour se forger une vision objective de l'ensemble de leurs besoins
- La veille concurrentielle est trop souvent limitée aux concurrents locaux ou aux offres analogues. Quid des menaces induites par les Nouveaux entrants et les Produits de substitution ? L'analyse PESTEL créée par Michael PORTER en 1979 se rappelle à nous... (2)
- Enfin écoutez vos clients, analysez leurs réclamations. Les travaux de Michael HAMMER, l'un des pères du Process Reengineering sont une mine d'information. (3)
Alors comment procéder ?
- Il convient déjà de formaliser le projet d'entreprise ou à défaut de rédiger les éléments principaux de la stratégie d'entreprise à Court et Moyen Terme
- Il est de bon ton, au sein de chaque organisation, de programmer tous les 2/3 ans* une séance de réflexion créative afin de procéder à une remise à niveau de la liste des besoins clients.
- ...un PESTEL par ligne de produit et service mis à jour régulièrement est un incontournable, mais vous le saviez déjà, non?
- Enfin il revient à chaque service client d'analyser les besoins non couverts, les dysfonctionnements et les remarques diverses remontées par les clients. Ils constituent ensemble un gisement de pistes d'amélioration pour lesquelles un besoin est déjà identifié.
* en fonction des secteurs d'activité cette périodicité peut s'avérer trop longue. C'est notamment le cas pour les NTIC où il est préférable d'avoir une veille permanente sur cette question.
Un projet d'entreprise, une liste de besoins, une veille concurrentielle et une écoute soigneuse des réclamations de vos clients ... vous voilà parés pour la prochaine étape.
Au deuxième temps de la valse... c'est le temps de la SYNTHESE CREATIVE
D'après Marc Giget, Professeur au Cnam, "l’innovation est un phénomène aux facettes multiples, qui s’intègrent en une synthèse créative. Entre le monde des connaissances et des technologies, riche de multiples potentialités, et celui des attentes très vastes de la société, la phase de conception est un instant magique où la vision et le projet se concrétisent en une proposition, fruit de la sensibilité, de l’imaginaire et de l’inspiration du créateur".
Cette étape centrale dans le processus innovation est, de mon point de vue, la plus complexe car elle est par essence multidimensionnelle. C'est pourquoi j'ai pour habitude de préciser à fins de simplification, lors de mes interventions, que la synthèse créative consiste déjà à rapprocher inventions et besoins consommateurs. Il est bien évident que cette approche simplifiée, ne peut se concevoir sans des sous-processus qui permettront de compléter l'exercice.
Pour les marqueteurs cette définition ne sera pas sans rappeler celle de la chaîne d'innovation marketing tant il est vrai que ces deux approches comprennent une série d’étapes dont chacune d’entre elle permet de filtrer (donc conserver ou éliminer) des pistes innovantes et de les enrichir.
Besoins versus Inventions
La synthèse créative s'initie par un atelier créatif dont la forme dépendra de l'animateur, de la culture d'entreprise, du secteur d'activité, etc. Personnellement je privilégie la technique du Brainstorming avec un public de participants le plus transverse possible et ce afin de faciliter l'émergence d'une dynamique virale qui donne du sens aux changements induits.
Au cours de l'atelier les participants auront pour objectif d'identifier des inventions (techniques, technologies, produits, services existants) susceptibles de constituer seuls ou combinés une offre répondant au besoin exprimé. Chaque offre ayant reçu une majorité de suffrages sera éligible au rang de projet d'innovation.
L'innovateur aura pour mission de gérer les projets d'innovation à fins de déterminer au terme du processus de Développement lesquels rejoindront le catalogue des offres de l'entreprise.
Recherche offres désespérément
Au terme de la synthèse créative dirigée certains besoins demeurent non ou insuffisamment couverts. Il revient alors à l'innovateur d'organiser une veille technologique afin de rechercher des inventions susceptibles d'entrer en synthèse créative avec les besoins non couverts.
La veille technologique est une pratique intéressante pour alimenter les ateliers de synthèse créative. Il revient à l'animateur d'en prendre connaissance afin de suggérer des pistes aux participants. Cette veille répond traditionnellement aux besoins suivants :
- Suivre les évolutions techniques
- Dégager de nouveaux procédés ou matériaux de substitution
- Anticiper sur la concurrence
- Diminuer les coûts de production
- Augmenter la qualité des produits
- Identifier les meilleures pratiques
Enfin lorsque les recherches sont vaines vient le temps de la Recherche.
Les (trop rares) innovateurs sont régulièrement pris à partie par les chercheurs qui leur reprochent de conférer à la Recherche une portion congrue de l'innovation. Au regard de la place prépondérante de la Recherche en France il n'est pas surprenant que l'approche innovation ainsi présentée dénote.
Pourtant que les chercheurs se rassurent il n'est aucunement question ici de marginaliser la Recherche. Bien au contraire il s'agit de l'intégrer rationnellement dans une démarche organisée où elle se trouve valorisée puisque orientée client. En donnant du sens à la Recherche au regard des attentes client et donc en l'inscrivant dans une perspective commerciale, la Recherche prend son sens littéral à savoir se donner de la peine pour trouver quelque chose ... et donc pas n'importe quoi. Cette Recherche se distingue de la Recherche Fondamentale qui vise uniquement au développement des connaissances. Une confusion bien française qui nous vaut encore aujourd'hui de financer des projets innovation au regard de leur "contribution à l'enrichissement des connaissances".
L'innovateur se doit de coordonner les activités de Recherche afin de s'assurer qu'elles demeurent objectivées par l'atteinte du résultat escompté, à savoir la satisfaction du client. Et il est bien évident que ces travaux scientifiques s'appuient sur les avancées de la Recherche Fondamentale même s'ils ne poursuivent pas les mêmes objectifs.
Dans cette approche simplificatrice de la Synthèse Créative, il est indispensable de conserver à l'esprit que l'adéquation entre Recherche et Besoins est à réévaluer périodiquement. En effet au cours du temps des événements peuvent remettre en cause ces travaux comme par exemple :
- Disparition du Besoin client
- Emergence de Produits concurrents
L'innovateur dispose de trois sources de synthèse créative (ateliers créatifs, veille technologique et Recherche) qui ensemble vont alimenter son portefeuille de projets d'innovation. Ce processus continu est à organiser et dimensionner en fonction des contraintes et moyens de l'entreprise. La gestion de ce portefeuille constitue le PROGRAMME INNOVATION.
Au troisième temps de la valse... c'est le temps du DEVELOPPEMENT
Je ne développerai pas dans ces lignes les étapes de la conception d'un produit ou d'un service tant celle-ci est un processus balisé au sein de la quasi totalité des entreprises.
Néanmoins j'insisterai sur l'importance de piloter conjointement Synthèse Créative et Développement. Et ce pour de multiples raisons (liste non exhaustive) :
- Le coût total du développement d'une offre commerciale se conçoit au regard des deux phases
- L'émergence d'un projet innovation en synthèse créative peut remettre en cause le développement d'une offre
- Le pilotage de l'activité Innovation (qui inclut la R&D) et donc la gestion du Programme Innovation (Planning, Moyens, Budget) nécessite l'intégration des deux phases
- La préparation et donc l'accompagnement du changement est un processus continu
Guillaume Nanot @ recrea-innov - Apicoove Editions - 2014
A Michel, grand fan de Jacques BREL et graine d'innovateur. R.I.P.
Références citées dans cet article :
(1) Abraham Maslow, Devenir le meilleur de soi : Besoins fondamentaux, motivation et personnalité, Eyrolles, 2013 (ISBN 2-212-55727-2)
(2) Porter, M.E. How Competitive Forces Shape Strategy, Harvard business Review, March/April 1979.
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